LA VOIX DE L’ÉRABLE : LA CRÉATION DE L’IMSI
Cet article réunit des extraits des mémoires de Bill Clark, « Forty Years and Five Days », et de son article « IMSI Was Born Out of Difficult Industry Times », publié dans l’édition de mars 2015 de la revue The Maple News. Betty Ann Lockhart en a gracieusement fait la transcription.
À South Burlington, au Vermont, le Aiken Maple Research Lab dirigé par David Garrett est en plein essor : élaboration du programme Sweet Tree, essais et améliorations de la tubulure, évaluation de l’équipement et des conteneurs, création de nouveaux produits d’érable, les chantiers ne manquent pas.
Mais en 1974, c’est la débandade : trois années de surproduction de sirop de qualité commerciale […] provoquent un effondrement des prix. À la même période, le choc pétrolier causé par l’embargo de l’OPEP fait gonfler le prix du pétrole. Les grandes entreprises de transformation de sirop d’érable continuent de diminuer leur utilisation. La situation est donc au plus mal lors qu’en août, le Vermont Maple Industry décide d’organiser une réunion d’urgence au Vermont pour étudier le problème. Même des représentants du gouvernement du Canada et certains transformateurs canadiens sont invités. David Garrett dirige la plus grande partie de la discussion. L’industrie a besoin de nouveaux débouchés pour le sirop foncé, mais comment y parvenir? Est-il possible de coopérer pour que chacun y trouve son compte malgré les deux pays, les deux langues et les deux manières de faire des affaires?
David Garrett y va alors d’une proposition audacieuse : former un groupe international de producteurs et de transformateurs englobant les États-Unis et le Canada. La salle s’est tue… quelle idée folle! Les transformateurs des deux pays n’avaient jamais travaillé ensemble. Il y avait deux gouvernements, deux langues, et des producteurs qui ne s’étaient JAMAIS assis à la même table que les transformateurs auparavant!
David Garrett refuse d’abandonner. Personne n’a d’autre solution à proposer. « Réfléchissons un peu à cette idée » (poursuite des discussions). Deux heures plus tard, on convient de se rencontrer en novembre à Montréal, au Canada, pour évaluer la faisabilité du projet. Les conditionneurs du Vermont hésitent à s’engager. Néanmoins, en novembre, David Garrett, le Jim Marvin et moi-même nous sommes dirigés vers le nord pour cette réunion.
C’est ma première visite à Montréal. Nous sommes au quatrième étage de l’édifice du ministère de l’Agriculture du Québec. Tous les hauts responsables du monde de l’érable sont assis autour d’une grande rangée de tables. Je me demande bien comment un « petit joueur » comme moi, qui ne représente qu’une poignée de producteurs du Vermont, a bien pu atterrir ici. Dans cette salle, les géants de l’érable du monde entier, dont plusieurs sont en concurrence féroce, s’étaient rassemblés pour une cause commune… J’ai vu des « grands » comme Gilles Croteau, directeur général de la coopérative de Plessisville, la plus grande au monde avec ses 4 600 membres; Adin Reynolds, propriétaire de Reynolds Sugarbush, la plus grande érablière de l’époque avec ses 125 000 arbres s’étalant sur deux États; Don Green, le président de Delta Foods, de Delta en Ontario; Allan Austin, directeur général de Canada Starch à Montréal; Jean-Pierre Potvin, du ministère de l’Agriculture du Québec; David Garrett, directeur de USDA Maple Lab. à South Burlington, et la liste continue.
Une commission formée de cinq membres canadiens et cinq membres américains est créée. Ce comité prend ensuite les choses en mains : sa mission consiste à mettre sur pied une organisation de marketing au service de tous. C’est un défi de taille. Les acériculteurs doivent-ils vraiment s’asseoir à la même table que les conditionneurs et les transformateurs? Quel rôle les gouvernements doivent-ils jouer? Comment façonner tous les aspects d’un tel groupe afin de respecter les lois de deux pays différents?
Les réunions sont longues et se multiplient, en alternance entre Burlington et Montréal. Chaque rencontre semble se terminer sur une impasse. David Garrett dirige une bonne partie des échanges lors de ces réunions, en rappelant sans cesse à tous que la collaboration était la seule solution.
Au fil des réunions, un consensus commence à se dessiner : les producteurs acéricoles doivent être représentés, le poids des votes est calculé, l’équilibre du pouvoir entre le Canada et les États-Unis est évalué. Petit à petit, l’organisation prend forme. On consigne les articles et les règlements, et on choisit un nom : l’International Maple Syrup Institute (IMSI). Il ne reste qu’à la faire reconnaître en tant qu’organisation internationale dans les deux pays. Trois d’entre nous en deviennent les responsables : Adin Reynolds, du Wisconsin, Gilles Croteau, du Québec, et moi, Bill Clark, du Vermont. Aux États-Unis, l’organisation est enregistrée au Delaware, et au Canada, à Montréal.
Une dernière réunion de toutes les personnes concernées a lieu à Plattsburgh, dans l’État de New York, le 20 février 1975. La proposition de règlements est acceptée. L’International Maple Syrup Institute (IMSI) est né. Un conseil de dix-huit administrateurs est institué et l’IMSI, la plus importante organisation de marketing de l’érable au monde, devient ainsi une réalité. Plus tard en 1975, l’IMSI recrutera Claude Tardif comme directeur général. Tout le monde a encore beaucoup de pain sur la planche.
Les subventions canadiennes sont disponibles pour le groupe, mais il nous faut obtenir des États-Unis une somme correspondant au tiers de ce montant. Un vol express à destination de l’USDA à Washington ne nous est d’aucun secours. En janvier, plusieurs d’entre nous ont décollé vers Détroit […] : Jim Marvin, David Garrett et moi avons rencontré Adin Reynolds et les représentants de la USDA Northeast Forest Service Division. Cette fois a été la bonne, et l’USDA s’est dit prêt à offrir les sommes d’appoint sous forme d’une subvention de recherche sur l’érable accordée au Senator Aiken Maple Lab de South Burlington.
Ce qui précède n’est qu’une infime partie de mes souvenirs de l’IMSI… il est crucial, plus que jamais, que les gens de l’industrie acéricole des deux pays travaillent ensemble. Les problèmes d’un des pays sont les problèmes des deux pays.
À South Burlington, au Vermont, le Aiken Maple Research Lab dirigé par David Garrett est en plein essor : élaboration du programme Sweet Tree, essais et améliorations de la tubulure, évaluation de l’équipement et des conteneurs, création de nouveaux produits d’érable, les chantiers ne manquent pas.
Mais en 1974, c’est la débandade : trois années de surproduction de sirop de qualité commerciale […] provoquent un effondrement des prix. À la même période, le choc pétrolier causé par l’embargo de l’OPEP fait gonfler le prix du pétrole. Les grandes entreprises de transformation de sirop d’érable continuent de diminuer leur utilisation. La situation est donc au plus mal lors qu’en août, le Vermont Maple Industry décide d’organiser une réunion d’urgence au Vermont pour étudier le problème. Même des représentants du gouvernement du Canada et certains transformateurs canadiens sont invités. David Garrett dirige la plus grande partie de la discussion. L’industrie a besoin de nouveaux débouchés pour le sirop foncé, mais comment y parvenir? Est-il possible de coopérer pour que chacun y trouve son compte malgré les deux pays, les deux langues et les deux manières de faire des affaires?
David Garrett y va alors d’une proposition audacieuse : former un groupe international de producteurs et de transformateurs englobant les États-Unis et le Canada. La salle s’est tue… quelle idée folle! Les transformateurs des deux pays n’avaient jamais travaillé ensemble. Il y avait deux gouvernements, deux langues, et des producteurs qui ne s’étaient JAMAIS assis à la même table que les transformateurs auparavant!
David Garrett refuse d’abandonner. Personne n’a d’autre solution à proposer. « Réfléchissons un peu à cette idée » (poursuite des discussions). Deux heures plus tard, on convient de se rencontrer en novembre à Montréal, au Canada, pour évaluer la faisabilité du projet. Les conditionneurs du Vermont hésitent à s’engager. Néanmoins, en novembre, David Garrett, le Jim Marvin et moi-même nous sommes dirigés vers le nord pour cette réunion.
C’est ma première visite à Montréal. Nous sommes au quatrième étage de l’édifice du ministère de l’Agriculture du Québec. Tous les hauts responsables du monde de l’érable sont assis autour d’une grande rangée de tables. Je me demande bien comment un « petit joueur » comme moi, qui ne représente qu’une poignée de producteurs du Vermont, a bien pu atterrir ici. Dans cette salle, les géants de l’érable du monde entier, dont plusieurs sont en concurrence féroce, s’étaient rassemblés pour une cause commune… J’ai vu des « grands » comme Gilles Croteau, directeur général de la coopérative de Plessisville, la plus grande au monde avec ses 4 600 membres; Adin Reynolds, propriétaire de Reynolds Sugarbush, la plus grande érablière de l’époque avec ses 125 000 arbres s’étalant sur deux États; Don Green, le président de Delta Foods, de Delta en Ontario; Allan Austin, directeur général de Canada Starch à Montréal; Jean-Pierre Potvin, du ministère de l’Agriculture du Québec; David Garrett, directeur de USDA Maple Lab. à South Burlington, et la liste continue.
Une commission formée de cinq membres canadiens et cinq membres américains est créée. Ce comité prend ensuite les choses en mains : sa mission consiste à mettre sur pied une organisation de marketing au service de tous. C’est un défi de taille. Les acériculteurs doivent-ils vraiment s’asseoir à la même table que les conditionneurs et les transformateurs? Quel rôle les gouvernements doivent-ils jouer? Comment façonner tous les aspects d’un tel groupe afin de respecter les lois de deux pays différents?
Les réunions sont longues et se multiplient, en alternance entre Burlington et Montréal. Chaque rencontre semble se terminer sur une impasse. David Garrett dirige une bonne partie des échanges lors de ces réunions, en rappelant sans cesse à tous que la collaboration était la seule solution.
Au fil des réunions, un consensus commence à se dessiner : les producteurs acéricoles doivent être représentés, le poids des votes est calculé, l’équilibre du pouvoir entre le Canada et les États-Unis est évalué. Petit à petit, l’organisation prend forme. On consigne les articles et les règlements, et on choisit un nom : l’International Maple Syrup Institute (IMSI). Il ne reste qu’à la faire reconnaître en tant qu’organisation internationale dans les deux pays. Trois d’entre nous en deviennent les responsables : Adin Reynolds, du Wisconsin, Gilles Croteau, du Québec, et moi, Bill Clark, du Vermont. Aux États-Unis, l’organisation est enregistrée au Delaware, et au Canada, à Montréal.
Une dernière réunion de toutes les personnes concernées a lieu à Plattsburgh, dans l’État de New York, le 20 février 1975. La proposition de règlements est acceptée. L’International Maple Syrup Institute (IMSI) est né. Un conseil de dix-huit administrateurs est institué et l’IMSI, la plus importante organisation de marketing de l’érable au monde, devient ainsi une réalité. Plus tard en 1975, l’IMSI recrutera Claude Tardif comme directeur général. Tout le monde a encore beaucoup de pain sur la planche.
Les subventions canadiennes sont disponibles pour le groupe, mais il nous faut obtenir des États-Unis une somme correspondant au tiers de ce montant. Un vol express à destination de l’USDA à Washington ne nous est d’aucun secours. En janvier, plusieurs d’entre nous ont décollé vers Détroit […] : Jim Marvin, David Garrett et moi avons rencontré Adin Reynolds et les représentants de la USDA Northeast Forest Service Division. Cette fois a été la bonne, et l’USDA s’est dit prêt à offrir les sommes d’appoint sous forme d’une subvention de recherche sur l’érable accordée au Senator Aiken Maple Lab de South Burlington.
Ce qui précède n’est qu’une infime partie de mes souvenirs de l’IMSI… il est crucial, plus que jamais, que les gens de l’industrie acéricole des deux pays travaillent ensemble. Les problèmes d’un des pays sont les problèmes des deux pays.